Premiers chants
Spectacle de marionnettes et comédiens pour adolescents
Texte de Daniel Simon - Prix SACD 1988
Le destin des acteurs et des comédiens est forgé par la parole, le jeu et la manipulation, en avoir la conscience et pouvoir en parler sont des événements rares.
Premiers Chants dévoile une ultime possibilité de raconter, de transmettre un cheminement de vie, en partage avec le monde des marionnettes, si proches et tellement éloignées de nous.
Le marionnettiste est-il ce grand manipulateur manipulé, toujours assis entre plaisir et souffrance, situé entre l'homme et l'acteur ?
Premiers Chants offre une lueur d'espoir pour tous ceuxqui créent et qui rêvent de laisser une trace visible des émotions qui ont conduit leur vie.
Avec Francis Houtteman, Françoise Flabat, Yves Coumans
Mise en scène : Nicolas Froment / Marionnettes : Marcel Orban / Sculpture : Célestin Pierret / Costumes : Carine Duran / Musique : Michel Déom / Film : Yves Hanchard
Le destin des acteurs et des comédiens est forgé par la parole, le jeu et la manipulation, en avoir la conscience et pouvoir en parler sont des événements rares. Premiers Chants dévoile une ultime possibilité de raconter, de transmettre un cheminement de vie, en partage avec le monde des marionnettes, si proches et tellement éloignées de nous. Le marionnettiste est-il ce grand manipulateur manipulé, toujours assis entre plaisir et souffrance, situé entre l’homme et l’acteur ? Premiers Chants offre une lueur d’espoir pour tous ceux qui créent et qui rêvent de laisser une trace visible des émotions qui ont conduit leur vie.
Francis HOUTTEMAN-Comédien
Sculptures articulées ou pantins figés
Sculpture
La création est un plaisir où la réalité (douloureuse) n’est pas oubliée.
Ma création de deux sculptures pour le spectacle Premiers Chants, est un désir de créer deux petits êtres de bois, pour qu’ils puissent jouer ailleurs que dans l’atelier, pour qu’ils se prêtent à d’autres mains, d’autres regards, des sculptures qui se laissent tomber pour qu’on les porte.
Un espace de corps, d’os, de peau reconstituée, d’un être blanc comme de petits os blanchis par le soleil. Je pensais bien que les doigts d’une main pouvaient bouger, mais je préférais fixer leur mouvement pour une attitude, qui représentait pour moi une émotion choisie, voulue par la matière et moi-même. Et voilà que le grand Sire veut que je leur scie bras et jambes pour qu’ils perdent équilibre et émotion, qu’ils partent à vélo… Je n’ai pas scié la jambe, mais bien le genou, pas le bras, mais le coude, ainsi je voulais prolonger les émotions flottantes voulues par un manipulateur, par les émotions fixées d’une sculpture.
Je voulais cacher le petit clou planté dans le tibia et le péroné pour l’articuler au fémur, par une rotule de bois, des bandelettes de fil ou de cuir. Les petits êtres sortent de leur masse de bois, descendent de leur socle pour des mouvements maladroits, pour investir grâce à d’autres un nouvel espace imaginaire, pour qu’ils se prêtent à d’autres émotions voulues, pour investir une autre esthétique que celle (rassurante ?) de la posture sur le buffet. Cela s’inscrit cependant dans une logique, un principe de référence au corps humain qui m’est cher. Ce n’est pas la sculpture dans le mouvement qui se justifie par elle-même, mais la sculpture désarticulée qui demande le mouvement pour ne pas être hermétique à une autre action que celle d’être. Et le mouvement, l’articulation devient pour le sculpteur une nouvelle source d’inspiration vers d’autres possibilités de création au-delà des difficultés techniques dues au respect (malgré tout) d’une certaine esthétique de la désarticulation. Le bras qui se tend reste entravé par le fil ou le clou.
Le mouvement est maladresse, mais reste désir, touche à l’Humain. Ce Premiers Chants n’est pas encore le dernier.
Célestin PIERRET-Sculpteur
Musique
L’idée de départ de la musique de Premiers Chants devait être une mélodie, une simple mélodie; mais celle-ci devait pouvoir servir d’objet, pouvoir être transformée, être manipulée : devenir presque une marionnette elle-même… C’est ainsi qu’au début du spectacle nous l’entendons : par une clarinette seule, puis avec un violon; quelques accords, puis la mélodie revient et s’effiloche.
Un intervalle dissonant (de septième majeure) y est toujours présent : un peu grinçant, difficile à chanter, un intervalle qui fait mal… Alors commence le jeu des transformations : chaque élément de la mélodie va être allongé, raccourci, tordu, modifié rythmiquement; mais toujours présent, on retrouve cet intervalle dissonant, tour à tour triste, sarcastique, humoristique, ou même tendre. C’est d’abord une marche, la Marche du Pantin, militaire, mécanique, caricaturale. Puis, après une introduction douce et mélancolique, la mélodie est devenue valse : lente et timide au départ, elle s’accélère et tourne de plus en plus follement jusqu’à déboucher sur une autre marche, mais marche nuptiale. C’est la marche militaire, mais plus lente, plus solennelle ; et en plein milieu de ce défilé surgit une image d’horreur : le Double, la caricature grimaçante de ce mariage, jouée au xylophone. L’image passe et le défilé peut reprendre. Tout doucement la valse revient, s’insinue, de nouveau s’affole, bégaie, et finalement se casse brusquement. Après, c’est l’Enterrement : on va retrouver des débris ; ceux de la valse, de la marche, et même un peu de la mélodie de départ… Mais tout n’est pas triste : voici une naissance. Quelques appels comme des cris d’oiseaux, et la mélodie se transforme en petite ritournelle rythmée et bondissante, entrecoupée de moments plus tendres; la valse revient, joyeuse : elle ne tourne plus fou… Puis un appel criard, un autre, c’est la panique : tout commence à se mélanger; on ne comprend plus : marche, valse, ritournelle s’entremêlent, se superposent, tirent chacune de leur côté jusqu’à la cacophonie; un brusque arrêt, et tous les instruments réunis scandent fortissimo le rythme de la marche. Après ce sommet de violence, tout est fini : la mélodie revient; mais comme si toutes ses métamorphoses lui avaient donnée une nouvelle vie, elle va se prolonger, s’étirer sur de longs accords qui, tout doucement, vont tendre vers une conclusion apaisée, nouvelle perspective d’avenir : la dissonance est enfin résolue, et l’accord parfait qui conclut l’œuvre amène un climat de calme, de confiance. La vie, enfin, peut recommencer.
Michel Déom - Compositeur
Mise en scène
Premiers Chants est une partition pour l’utilisation de diverses disciplines dans un cadre théâtral dominé par le pauvre et l’essentiel, qui nous a permis de réunir le mot à la sculpture, la musique au jeu, le geste au rythme, la vie à la peur, la mort à l’espoir. De ce mélange, un spectacle est né sous la forme d’une question perpétuelle : celle de l’homme face à la fragilité de ses actes créatifs, ce qu’il a reçu, ce qu’il pose, ce qu’il transmettra dans le cas où aveugle et incessant d’un monde galopant.
Voyage initiatique dans la mémoire, ce spectacle se présente comme un jeu de poupées russes qui dévoile tour à tour le personnage d’un très vieux Gepetto et de ses marionnettes, l’acteur qui interprète et enfin l’homme qui l’incarne.
A travers le constat d’une existence, de ses passions et de ses souffrances, cette partition tentera de vous emmener par l’émotion au fond de la vie et du cœur de chacun, là où la liberté d’avoir été et d’avoir fait, d’être et de faire, d’il sera et d’il fera, reste un trésor dont l’accès envahi de ronces et trop rarement débroussaillé, entretenu, ensemencé.
Nicolas Froment - Metteur en scène